
Si SNK est un éditeur de jeux vidéo ayant connu des débuts modestes, la firme a réussi à sortir du lot dans les années 80 grâce à quelques titres exceptionnels, lui procurant un succès commercial mais aussi une belle réputation auprès des joueurs. Ses premières productions en arcade sont réussies et aident Eikichi Kawasaki à bien démarrer dans ce secteur très concurrentiel au Japon. Si Vanguard, un shoot them up sorti en 1981, et quelques autres, furent les premiers softs à populariser un peu la firme, c'est bien Ikari Warriors qui fait décoller Shin Nihon Kikaku "through the roof" comme disent les américains. Le jeu fait un carton aussi bien dans les salles obscures que sur les consoles de salon ainsi que les ordinateurs de jeu, gratifiées d'adaptations très réussies. Dès lors, l'éditeur japonais est sur un petit nuage et grâce à des finances confortables, celui-ci commercialise sa première machine, la Neo Geo. Comme chacun sait, celle-ci est déclinée en console de salon, la fameuse AES, et le MVS, la version pour les professionnels de l'arcade, qui générera de considérables profits.

1. De petites erreurs sans grandes conséquences
A l'instar de Capcom et ses systèmes CPS, SNK n'autorise au départ pas d'autres éditeurs à publier sur Neo Geo, à l'exception d'Alpha Denshi. C'est préjudiciable, car la Neo Geo aurait probablement gagné en notoriété (et donc en ventes) avec quelques hits venus d'ailleurs, comme ceux d'Irem ou Jaleco pour ne citer qu'eux, qui n'utilisaient pas de hardware "maison". D'autre part la boîte d'Eikichi Kawasaki n'a pas encore la solidité financière de ses rivaux (Capcom, Taito, Namco,Sega, Nintendo,etc) et donc peu d'équipes pour faire face aux gros besoins de développement d'une console de salon. Les programmeurs sont sur tous les fronts, aussi bien pour avoir l'offre la plus large possible auprès des clients de salles de jeux, que pour faire vendre son home system en lui fournissant un catalogue de jeux décent. Le résultat est un line-up qui a de la gueule, varié, avec quelques jeux de grande qualité et d'autres réalisations plus banales, mais l'ensemble ayant beaucoup d'aura auprès des joueurs.
La console reçoit finalement peu de nouveaux titres les deux premières années, et rien de bien exceptionnel, jusqu'à ce que l'éditeur commence à sortir quelques gros jeux de versus fighting (Fatal Fury 2, Art of Fighting, Samurai Shodown). C'est au niveau du catalogue de l'AES, en comparaison de ses concurrentes 16 bits, que SNK est à la ramasse. Celles-ci recevaient vingt à trente fois plus de nouveautés en comparaison, dont les adaptations des hits des concurrents de l'arcade. Des années plus tard, la firme d'Osaka laissera plusieurs éditeurs tiers développer sur sa machine, prenant probablement conscience - tardivement - qu'un catalogue restreint était préjudiciable aux ventes de sa console.




Néanmoins, les débuts de la Neo Geo sont profitables à la compagnie, le MVS étant un système très avantageux pour les salles d'arcade, puisque capable de proposer plusieurs titres sur la même borne. Sans compter que les softs SNK se hissent dans le top ten des jeux d'arcade très régulièrement. La structure Neo Geo fonctionne plutôt bien au début des années 90, générant de beaux profits pour la compagnie, de plus en plus florissante. Par la suite, le réinvestissement de ces gains considérables ne va malheureusement pas être décidé de la meilleure des manières. Les décideurs de la firme vont commettre une succession de choix funestes, qui allaient entraîner les équipes de SNK vers une faillite inéluctable.
2. La Neo Geo CD, un mauvais calcul
Fin 1994, Sega et Sony s'apprêtent à mettre sur le marché leurs consoles 32 bits à CD-Rom, les premiers monstres avaleurs de (vraie) 3D du marché domestique. Avec respectivement la Saturn et la Playstation, ceux-ci se positionnent sur un créneau technologique avant-gardiste. SNK ne se laisse pas distancer et à cette même période annonce une nouvelle console, également à support CD. Avec la réputation "haut de gamme" que s'est taillé l'éditeur, on s'attend, à l'instar de ce que proposait la Neo Geo, à une bestiole capable d'écraser techniquement ses rivales. Et contre toute attente, c'est une version "budget" de la Neo Geo AES qui voit le jour: la Neo Geo CD. Même architecture 16-bits, lecture x1, et les légendaires sticks arcade sont remplacés par de vulgaires pads façon super NES. Le but de la manœuvre est de proposer le catalogue Neo Geo à un prix abordable, et donc supposément d'élargir le public domestique de SNK.
Seulement voilà, la Neo Geo CD a des temps de chargement absolument insupportables et se révèle techniquement décevante, se payant le luxe de ne pouvoir égaler techniquement l'AES (voir des jeux tels que Art of Fighting 3 ou Pulstar). En conséquence, par la suite certains titres du catalogue seront purement et simplement abandonnés, laissés aux versions cartouche. SNK ira même jusqu'à réaliser deux actualisations de la console (Top Loading, CD-Z) pour améliorer les loadings, ce qui a forcément ajouté encore un peu à l'addition. Les ventes ne décolleront jamais vraiment, la compagnie échouant à concurrencer les grands noms du jeu vidéo. Sega et Sony vendent des millions d'exemplaires de leurs systèmes nouvelle génération, pendant que l'éditeur bricole à recycler ses vieux titres avec sa Neo Geo CD. D'ailleurs Guillemot, l'importateur historique pour l'Europe, lâche SNK dès 1995. Avec ce choix stratégique n'ayant finalement pas payé, SNK non seulement perd sa réputation de leader technologique, laissant la place libre aux firmes rivales, mais rate le coche de la next-gen en 3D. Dommage, car 1994 aurait été un très bon timing pour l'arrivée de l' Hyper Neo Geo 64 qui aurait permis de conserver une bonne position sur le marché d'avant-garde, tout en faisant poursuivre sa carrière à la Neo Geo et ses sublimes jeux en 2D.